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Le 23
mars 1648, la France et la Hollande décident de se partager
pacifiquement les terres, les côtes et les richesses naturelles
de l'île de St Martin lors d'une légendaire course à pieds
entre deux champions. Cours plus vite, Charly! Trois cent
cinquante deux ans plus tard, la géographie reste inchangée...
Les deux pays s'approprient le pactole du tourisme international.
Mais si les Hollandais règnent sur les casinos, les banques
et le business, les Français ont hérité des plus beaux
spots du nord-est, des alizés et des vagues. Visite des lieux
avec Nathalie Simon et Jean Sébastien "No Limit"
Lavocat, le prince local de la multi-glisse. St Martin? Radical
et cool... Radicool!
Le
vent a soufflé toute la nuit. A huit heures du matin, le soleil
bastonne déjà et l'anémomètre se stabilise à 25 noeuds. Du
sommet des collines, la vue sur la baie orientale est plus
que prometteuse, l'eau du lagon fume légèrement, l'océan est
parsemé de white caps et de belles vagues cassent sur le reef
de l'îlet de Caye Verte. Ce Lundi 24 Janvier s'annonce chaud.
Coup
de fil à Yves Icardo, le pilote d'Héli-inter Caraïbes, basé
à Grand Case: "Nous décollons dans une heure, fait chauffer
le matos!" Pas de chance, une demi-heure plus tard, un
énorme grain balaie nos espoirs... Sublime arc en ciel plus
que parfait et pétole. "Allô, Yves? Stand by jusqu'à
10 plombes!" Une heure plus tard, un vent est sud-est,
side on shore, se lève chassant tous les nuages. un bon petit
15-20 noeuds. Nous battons le rappel des troupes: rendez vous
dans 45 minutes à l'extérieur du lagon. Vu d'hélico, ça le
fait bien. Une belle houle de vent a fait lever un gentil
petit swell et les séries de vagues oscillent entre 1,50 et
2 mètres. Nathalie Simon, Manu et Tanguy partis du CNS, situé
sur orient beach, sont bientôt rejoints pat Jean Sébastien
Lavocat, Christophe et Stéphen. Les trois waterboys arrivent
en droite ligne du Galion ,le spot voisin. Action now...
Après
quelques séries plus épaisses que les autres, la majorité
des riders vont goûter à la radicalité du reef "cayo
verde". Très vite, Nathalie et Jean Seb font la différence,
Deux belles surprises. Primo, nath n'a rien perdu de son style
fluide, coulé, tout en souplesse, mais elle a étonnamment
progressé dans les vagues... "j'ai arrêté la coupe du
monde après Bercy 95, mais pas la planche. Le fun reste ma
passion première. Dès que j'ai le temps, je pars à Hawaï,
à Cabarete, à la Barbade ou ici pour naviguer. Sans la pression
de la compétition, c'est dans les vagues que je m'éclate le
plus."
Deuxio,
la réputation raaadicale de jean Seb Lavocat n'était pas usurpée:
le lascar est encore meilleur que ça!Le multi-glisseur fou
(wind, surf, jet,skate, wake), fondateur de Windy Reef et
d'une école de surf pour les jeunes "locals", balance
des big mac et des loops à la chaîne dans un style dévastateur.
Il est rapide, incisif, précis. Tout feu. Tout flamme. Pas
de répit. Impressionné, le pilote de l'hélico descend trop
bas et scotche le virtuose contre une vague: entre la voile
et la lèvre. Le choc est brutal. Sévère. Sonné, il flotte
un moment et repart de plus belle... Bref, une très très belle
session où, sur un spot à son top, deux dingues du wind se
sont déchirés et ont appris à se respecter et à se connaitre...
Le
lendemain, le vent est toujours au rendez vous, et la houle
rentre bien au Galion, le fief de Jean Seb & the waterboys.
Toujours du 1, 50 à 2 m dans les séries. Situé à deux kilomètres
au nord d'Orient Bay, le Galion est une baie vierge de béton,
fermée par une passe de reef assez radicale. Les vagues déroulent
sur le corail et à l'extrême droite forment un bowl de rêve
pour les surfers. En wind, le potentiel est énorme mais très
technique: le vent on shore souffle dans la même direction
que la houle. Aujourd'hui, les conditions de cette sublime
réserve naturelle sont optimales. NAthalie et ses nouveaux
potes vont naviguer à fond pendant cinq heures.
Deux
autres "locals" se joignent aux riders, Ricardy
Maricel et Jean Marc Peyronnet. Deux très bons. Deux gueules.
Deux histoires... Grand black de 25 ans,
Ricardy sait faire marcher à fond la caisse tout ce qui ressemble
à une planche. Sur-toilé, sous-toilé, il s'adapte à toutes
les situations. Son palmarès: cinquième deux fois de suite
au championnat du monde amateur à Aruba, deuxième à la Hi-Ho,
troisième du circuit guadeloupéen... Le tout avec une planche
et deux voiles! Excellent en race et en longue distance, l'athlète
ferait un carton avec du vrai matos et des sponsors... A 42
ans, Jean Marc Peyronnet a une tronche et un look de pirate.
Ca fait bientôt 10 ans que cet ancien skipper a découvert
le windsurf. Depuis, il n'a pas arrêté. de haut niveau, il
n'hésite pas à se frotter -cool Raoul- aux pointures locales.
Ici, on le surnomme "le Robinson de Saint Martin":
il vit à l'année sur l'îlet pinel, gagne sa vie en louant
des appartements. Chaque année, il participe pour le fun à
la Hi Wind d'Aruba; Une sorte de Captain à donf de Saint Martin...
En
fin d'après midi, lorsque le vent baisse, tout le monde se
retrouve sur la plage devant le QG de Windy Reef: deux containers
(un pour le matos, l'autre pour l'atelier de shape), reliés
entre eux par des toits de bambous. Quelques uns des waterboys
de l'école de surf sont réunis autour du shaper, Jean David.
Une autre histoire... Ancien windsurfer travaillant à l'école
de voile de Wimereux, Jean David a été victime d'un très grave
accident de moto: jambe droite explosée et un an d'hosto.
A la sortie, direction Saint Martin avec un aller simple.
La rencontre avec Jean Seb sera décisive. Les waterboys? Ils
sont en général une quinzaine, âgés de 8 à 18 ans et assurent
en multi-glisse. Aujourd'hui ils sont entrain de réparer la
rampe de skate décapitée par le cyclone Lenny. Ce fucking
Lenny le destroyer, qui n'a amené qu'une chose de bien: des
vagues incroyables pendant quatre jours...
Lorsque
le ciel s'embrase, Jean Seb sort le ti-punch maison et parle
de Wilderness à Nathalie. Wilderness, un autre spot du north
shore situé entre l'anse Marcel et Orient Bay... "Généralement,
Wilderness fonctionne bien après les dépressions tropicales.
Les vagues peuvent osciller entre 2 mètres et 2 mètres 50
bien creuses. Il y a une droite qui se connecte avecune gauche
au milieu des patates. ce qui permet des délires sympas avec
du vent side/side off shore ou même par secteur nord est.
Un des bons moments de la section est de partir sur une droite
et d'attaquer bottom/roller, relancer le planing à la connexion,
jiber sur la même vague, qui sur la reforme, te relance sur
une gauche plutôt sympa! back side / front side sur la même
vague! Stocked man!"
Pendant
que Nathalie range son matos, Jean Seb se lâche:"Hey
man... Elle est vraiment cool Nath. Sympa, nature. Et puis
elle enquille bien dans la wave. ca fait plaisir de rencontrer
des gens comme ça."
Au
retour, dans la jeep, Nathalie constate: "il est bien,
ce mec. C'est un pur et dur qui ne vit que pour la glisse
et son esprit. des types comme ça, j'en ai connu à Hawaï...
Ils n'ont pas beaucoup de moyens mais ils donnent tout ce
qu'ils ont et plus encore. Les intégristes du fun m'ont toujours
fasciné..." Intégriste du fun. L'image colle à la peau
de Jean Seb "No Limit" Lavocat. A 29 ans, marié
à une belle Hélène et père d'une craquante petite Camille
(13 mois), le rider à l'éternelle casquette (même en navigation
incarne l'esprit "Stocked" de l'île...
"L'esprit
glisse, c'est prendre un maximum de plaisir sans contraintes
et s'en donner les moyens. C'est partager des moments entre
potes et s'offrir ensemble des sensations fortes. Depuis des
années, je m'aménage une vie qui correspond à cette envie
de (multi) glisse et ce besoin de liberté." A Saint martin,
Jean Seb a atteint son but..."je zappe du wind au surf
et du wake au jet-ski. Ce sont les conditions climatiques
qui détermùinent le choix des supports. Il dit aussi:"il
faut intégrer les jeunes à notre vie. Il est temps aujourd'hui
d'établir une vraie relation avec eux, sans artifices, sans
argent. une relation humaine basée sur la confiance, le partage,
l'honnêteté et les sports de glisse. Et il y arrive, presque
sans sponsors, presque sans argent, pour la "cause"
et pour les waterboys...
Encore
du vent. Toujours du vent. Plus léger. Environ 15 noeuds...
Aujourd'hui, vu les conditions, Cécile et Manu, du CNS, balancent
une régate dans le lagon d'Orient Bay. Départ de la plage
entre le Kakao et le Kontiki, les deux restaurant très "tendances"
du North Shore. Planches de course racing et grandes voiles.
Départ de la plage. A l'ancienne... A tous les riders déjà
cités s'ajoutent Emeric Monnier, un comptable de 27 ans, d'origine
métropolitaine, qui assure dans toutes les conditions, et
Christian Cassaubon. New story... A 56 ans, Christian est
entrepreneur. Il vend du béton. c'est son job. mais sa passion,
c'est le wind. Alors il bosse de 5 heures à 9 heures du matin.
Après avoir fait le tour de ses chantiers, il enfile sa combi
et fonce sur les spots. Signe particulier: se chronomètre
sur chaque bord...
Une
régate pour le fun. Plaisir des yeux... Cécile Lucidarme (30
ans), la compagne de Manu -ils travaillent pour Sport Away
depuis 8 ans- raconte le spot d'Orient Bay..."La baie
orientale s'étire sur plus de 3 kilomètres et reste l'un des
sites les plus polyvalents de la caraïbes. C'est le paradis
des freeriders. Le lagon de Papagayo, avec son eau turquoise,
est idéal pour la vitesse et les débutants. la baie est ceinturée
par les îles de caye verte (avec outside caye verte, le spot
de vague de Big Mama), Tintamare et Pinel, les destinations
idéales pour les raids. A Saint Martin, un autre spot, la
baie Nettlé, située sur la côte caraïbe, est un point de départ
idéal pour tirer des bords jusqu'à la l'île d'Anguilla, autre
splendeur de la caraïbe."
Retour
des "régatiers".Avec sa puissance et sa glisse de
rêve, Ricardy Maricel l'emporte devant Jean Marc Peyronnet.
Ti-Punch de rigueur avec en fond sonore la drenière tuerie
de Jarabe Paolo: la Flaca. Un merengue infernal. Le soleil
passe dernière les collines et la lumière frisante donne un
côté magique à cette baie orientale qui, malgré toutes les
résidences hôtelières reste un pur joyau
Il
est temps de se faire le coucher du soleil à Grand Case, en
sirotant une Carib glacée à la terrasse du Calmos Café, le
bar restaurant le plus branchouillé de l'île.
Pendant
une semaine, le vent était présent tous les jours, permettant
la journée la plus tranquille de naviguer sportivamant en
hobie cat ou de s'initier tranquillement au flysurf sur la
bande de sable de Caye Verte.
Alors
laissez vous guider par votre feeling et n'écoutez pas les
lieux communs du genre "à Saint Martin, il n'y a que
des stars et pas de vent" ou "le passage de Lenny
et des cyclones précédents ont dévasté la végétation".
C'est vrai que les stars viennent passer leurs vacances ici.
Comme sur tous les bons spots des Antilles, d'Hawaï ou de
l'île Maurice. C'est également vrai que les cyclones ont bastonné
sec. Mais pas plus qu'ailleurs.
En
revanche, l'île dégage vraiment. Le mélange franco-hollandais,
l'omniprésence des States -avec les trucks, les harleys-,
et de la musique (salsa, merengue, reggae, calypso), en font
un endroit à part. Mais surtout, saint Martin offre des possibilités
multi-glisse d'exception. Le vent est présent, les statistiques
le prouvent: 16,5 nœuds de moyenne pour décembre, avec 75%
de jours naviguables, et 17,3 nœuds de moyenne pour janvier,
avec 87% de jours naviguables. Et puis les swells de l'Atlantiques
sont assez fréquents en hiver...
On
vous le disait bien:"L'île de Saint Martin, c'est radical
et cool. Radicool".
copyright
Planchemag / Gilles Lhote Mars 2000
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